Interview
Gersende Diquelou, fondatrice de MaxSenss et thérapeute
Cela faisait quelques temps que j'avais envie d'échanger avec Gersende Diquelou, une self-made-woman au grand coeur, pleine d'ambition et à la double casquette. Praticienne en hypnose et fondatrice de MaxSenss, des cabinets de thérapies alternatives et complémentaires, elle porte un regard lucide sur les freins que l'on peut rencontrer dans le développement d'une activité de thérapeute et donne des conseils avisés pour l'accélérer.
1. Tu es hypnopraticienne et fondatrice des cabinets de thérapies complémentaires MaxSenss, quel a été ton parcours avant ?
L’école ce n’était pas pour moi. Je suis sortie avec un brevet des collèges, sans bac, mais avec l’envie folle de m’accomplir et de montrer à tout le monde que je n’étais pas un cancre ou une idiote comme j’ai pu l’entendre pendant longtemps.
Je me suis lancée dans la vie professionnelle directement, d’abord en travaillant dans un fast-food, ensuite chez Photo Service, puis chez VINCI en tant que Responsable d’Affaires.
Après un long séjour aux États-Unis puis à Londres pour apprendre l’anglais, j’ai intégré un Master en Marketing Stratégique et Management Commercial pour obtenir un diplôme. Ensuite, j’ai continué à travailler dans les télécoms, puis j’ai enfin eu le poste que je voulais depuis le début : Directrice d’un centre de profit. Mais une fois que j’ai eu le poste, j’ai été très malheureuse.
À cette même période, en 2010, j’ai participé au séminaire d’Anthony Robbins à Rome, où l’on marche sur le feu. C’est de cette manière que j’ai découvert l’hypnose.
2. Que s’est-il passé ensuite ?
J’ai quitté mon boulot et je me suis tournée vers l’hypnose pour résoudre des problématiques personnelles. Au bout de quelques séances, je me sentais tellement mieux que je me suis dit que j’allais m’y former pour améliorer mon management quand je retournerais dans le monde professionnel.
Au bout du troisième jour de formation, je me suis tout de suite sentie à ma place, j’ai eu une révélation et j’ai compris que je voulais finalement accompagner les gens à aller mieux pour eux, et non pas au service d’une entreprise.
J’ai terminé ma formation en septembre 2013, et en novembre j’avais mon cabinet que je partageais avec une ostéopathe. J’ai su rapidement que j’allais en faire autre chose. Je savais déjà que je ne voulais pas rester seule, tous les jours en cabinet, à recevoir des clients. Je ne fonctionne pas comme ça, j’ai besoin d’être entourée et de créer des équipes. Quand j’ai partagé le cabinet, j’étais persuadée que l’on allait le faire en bonne intelligence et en toute bienveillance, mais cela n’a pas été le cas.
J’ai eu ensuite l’opportunité de louer un autre cabinet que j’ai pu sous-louer à d’autres praticiens. J’ai commencé à créer, par la même occasion, une équipe et un réseau de pratiques complémentaires. Je suis donc allée à la rencontre d’autres praticiens pour faire connaissance, échanger des séances avec eux afin de découvrir ce qu’ils font, et leur proposer de partager un cabinet. C’est de cette manière que MaxSenss est né.
3. MaxSenss est donc né de l’envie de travailler en équipe ou plutôt d’un constat que ce type de lieu manquait ?
Effectivement, je trouvais que ce type de lieu manquait autant pour les clients que les praticiens.
Les clients sont tout seuls, quand ils arrivent à trouver l’adresse d’un praticien, ils ont l’impression que c’est le dernier recours, alors qu’en fait pas du tout. Il y a d’autres pratiques qui peuvent les aider, mais ils ne savent pas où aller et quoi chercher.
Donc effectivement, je me suis dit que cela serait génial de créer une équipe, mais aussi un lieu où les clients auraient accès à plusieurs pratiques au 1 passage Alexandre Moret 77600 Bussy-Saint-Georges puis au 97 rue St Denis 77400 Lagny-sur-Marne
Du côté des praticiens, le business model que je propose n’existait pas, et d’ailleurs, il n’existe toujours pas dans le coin. Il y a des locations de cabinet plein-temps ou mi-temps, mais ils n’ont pas forcément les moyens. Chez MaxSenss, nous proposons des locations de cabinet à la demi-journée ou à la journée. Et je ne loue pas seulement un cabinet, nous les accompagnons au maximum dans leur déploiement, leur communication et leur visibilité.
4. Concrètement, quelles sont les formules que tu proposes ?
Quand les thérapeutes louent une demi-journée ; par exemple le mardi matin ; tous les mardis matin sont bloqués pour lui, qu’il ait des consultations prévues ou non. Et pour que notre collaboration puisse s’inscrire dans le temps et dans l’idée de construire quelque chose ensemble, je propose un contrat de 6 mois.
Cette durée d’engagement est aussi pensée pour les inciter à persévérer, même si au début ils n’ont pas assez de clients. Certains souhaitent arrêter au bout de 2 mois car ils n’ont pas suffisamment de clients, mais il faut vraiment se laisser du temps et surtout ne pas baisser les bras.
Je conseille vraiment de ne pas attendre d’avoir du monde pour prendre un cabinet car le message que tu envoies à l’univers et à tes clients, c’est que tu n’as pas d’endroit pour les recevoir.
Quand leurs activités se déploient, ils peuvent changer de formule et prendre plus d’une demi-journée. Mon idée c’est vraiment de les accompagner dans la durée comme une sorte d’incubateur de talents ou de tremplin. Je leur souhaite vraiment à tous de pouvoir s’épanouir et vivre de leurs activités, même si après ils ne louent plus chez MaxSenss. L’idée c’est qu’ils se lancent et se déploient.
5. Selon toi, il faut combien de temps pour vivre correctement de son activité ?
Je suis dans ma 6ième année et je n’en vis pas encore comme je le souhaiterais. Au bout de 6 ans, je tourne autour de 2500 € net par mois avec mes consultations en hypnose.
J’ai un collègue à Lagny qui, de son côté, a mis 2 ans et demi / 3 ans avant d’arriver à ce montant, au prix d’environ 5 séances dans la journée, pour moi c’est impossible de faire ça. C’est aussi ma manière de travailler qui fait que ça prend du temps.
Mais dans tous les cas, consolider son activité nécessite en moyenne 3 ans. Plus court ça existe, bien sûr, mais la question à se poser est : qu’est-ce que l’on est prêt à faire pour raccourcir ce délai ?
6. Par rapport à ton expérience et à ce que tu as pu constater en observant les praticiens qui sont dans ton centre, quels sont, selon toi, les principaux freins qui peuvent ralentir le développement de l’activité ?
Un des principaux freins, c’est oser parler de soi.
Il y a un autre frein que j’ai pu observer : beaucoup sont salariés, et commencent souvent avec cette double activité. Du coup, dans leurs schémas, ils restent des salariés, et attendent un peu que les choses se passent toutes seules. Ils n’ont pas encore cette posture d’entrepreneur et cela peut même leur faire un peu peur de l’adopter.
7. Et cette peur, côté communication, comment se traduit-elle ?
La peur d’aller distribuer ses cartes par exemple.
Très régulièrement, je leur conseille d’aller faire le tour des commerçants autour du centre, par binôme par exemple, c’est plus facile.
Se raconter aussi c’est souvent dur : écrire des articles, expliquer ce qu’ils font, ils ont peur de parler d’eux, c’est une espèce de pudeur, ils se disent : « mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir raconter ? ». Il faut travailler sur ces blocages et se faire accompagner car la partie communication est l’une des casquettes de l’entrepreneur.
8. Et toi, il y a 6 ans, comment tu t’y es prise pour faire connaitre tes activités de thérapeute ? Qu’est-ce qui a bien marché et moins bien marché ?
J’ai tout de suite investi dans un site internet même si j’étais au chômage, et je l’ai fait faire car je voulais vraiment donner une image très professionnelle.
J’ai aussi investi dans les pages jaunes, ça me coûtait à l’époque 90€/mois. J’ai pris un cabinet tout de suite, avant même d’avoir des clients. J’ai aussi fait des flyers et rejoint un BNI (un réseau d’entrepreneurs). J’ai investi beaucoup d’argent par rapport à mes moyens du moment.
Ce qui ne m’a pas rapporté, c’est de faire des flyers. Par contre, aller parler de moi aux commerçants du coin m’a rapporté de la clientèle, les Pages Jaunes aussi, ainsi que mon site. J’ai également organisé des ateliers à Lagny avec un collègue en me disant qu’à plusieurs on serait plus fort, et cela a été le cas ! Je publiais aussi sur Google+, j’ai beaucoup utilisé Facebook.
Petit à petit, tout cela a fonctionné, mais j’ai laissé du temps au temps aussi. Quelle que soit l’activité, il faut investir, semer pour récolter et se mettre dans la peau d’un chef d’entreprise pour pouvoir continuer à proposer ses services dans la durée.
9. Tu as ouvert ton premier cabinet à Bussy-St-Georges en 2017 dans lequel il n’y a que des thérapeutes/praticiens, et dans le 2ième que tu es en train d’ouvrir à Lagny-sur-Marne, il y a également des médecins c’est ça ?
Pas encore, mais c’est mon objectif, je veux casser les codes et convaincre un médecin de venir s’installer dans un de nos cabinets. Cela pourrait être par exemple un dermatologue ou un gastro-entérologue,qui sont complémentaires aux pratiques proposées par les thérapeutes et praticiens au sein de MaxSenss.
Je veux vraiment utiliser toute mon énergie pour montrer que ce n’est pas une médecine qui s’oppose à une autre, qu’elles sont complémentaires et que l’alliance des deux peut fonctionner et ouvrir d’autres portes.
Ce qui se fait déjà, c’est d’avoir un cabinet médical avec un sophrologue, un podologue, un kinésithérapeuteet des médecins, mais on ne voit pas l’inverse, c’est-à-dire : une majorité de praticiens accompagnés d’un médecin parmi toute l’équipe.
10. Et concrètement, où en es-tu dans l’ouverture de ce 2ième centre MaxSenss ?
Nous avons un espace de 300 m2 bien visible à Lagny-sur-Marne dans lequel nous sommes en train de faire des travaux, mais l’espace est quand même ouvert depuis le 16 avril.
Et sinon, je suis en recherche active de ce ou ces fameux médecins, s’ils veulent venir à plusieurs, je ne dis pas non ! Je le dis à qui veut l’entendre !
Je cherche également d’autres praticiens : orthophoniste, psychomotricienne, etc. Je veux apporter tout ce panel de couleurs.
11.Quels types de pratiques pouvons-nous retrouver dans ces deux centres ?
Nous avons trois psychologues-cliniciennes, de la chiropraxie, de l’hypnose, de la sophrologie, de la kinésiologie, du shiatsu, de la naturopathie, des massages ayurvédiques, de la psycho-nutrition, de l’EFT, du reiki et du neurofeedback.
Nous n’avons plus de gestalt, ni de coach (avis aux intéressés !). J’aimerais compléter encore plus ce panel. Nous sommes 30 praticiens au total dont 10 pour le moment dans le nouveau centre à Lagny.
Souvent on me demande où est le rapport entre toutes ces pratiques. Mais en fait tout est lié, et c’est vraiment ce message que j’ai envie d’envoyer. Tu peux rentrer par la porte que tu veux, et c’est déjà un premier pas pour commencer à prendre soin de soi.
12. Quel est le profil des clients qui viennent consulter les praticiens de ton centre ?
Nous n’avons pas un type spécifique de client, mis à part que se sont souvent des femmes à 70%. Elles cherchent des solutions pour aller mieux.
Ce qui est assez nouveau, c’est que ce sont les enfants qui demandent à venir faire des séances d’hypnose par exemple. Et les enfants qui ont cette démarche sont le plus souvent des enfants à haut potentiel.
13. Qu’as-tu mis en place côté communication pour faire connaitre MaxSenss ?
Voici les actions que l’on a mis en place pour faire connaitre MaxSenss auprès des clients :
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Diffusion d’un spot publicitaire : au cinéma « Le Cinq » à Lagny, au cinéma « Le 31 » à Chessy, sur les écrans de l’hôpital de Jossigny.
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Mise en place d’un site internet sur lequel figure tous les praticiens,
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Étude régulière du référencement du site et actions correctives récurrentes,
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Affichage du profil de tous les praticiens sur les écrans des salles d’attente,
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Émission et distribution de flyers MaxSenss,
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Organisation régulière d’événements type salons, festivals, portes ouvertes, etc.
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Invitation des praticiens aux petits déjeuners d’affaires pour réseauter,
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Posts réguliers Facebook pour mettre en avant le centre,
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Interview des praticiens régulièrement diffusés sur FB (trame spécifique),
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Annonce d’événements via la newsletter de MaxSenss,
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Inscription de tous les praticiens sur Doctolib pour accroitre leur référencement Google (prix négociés avec Doctolib).
Et les actions que l’on a mises en place pour faire connaitre MaxSenss auprès des praticiens :
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Posts sponsorisés Facebook,
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Actions auprès de la presse et des influenceurs comme Holi.Lab,
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Invitation aux drinks MaxSenss des praticiens intéressés par le concept,
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Organisation et participation aux événements type salons, festivals, portes ouvertes, etc.
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Mailings ciblés de praticiens déjà installés pour présenter les avantages de faire partie du collectif de MaxSenss,
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Réalisation de plaquettes MaxSenss téléchargeables en ligne,
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Mailing auprès des écoles d’ostéopathie, d’orthophonistes, de psychomotriciens, etc. (actions à venir),
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Mise en place de visites régulières des deux centres (plusieurs par semaine).
14. Quel est ton bilan depuis la création de ton premier centre MaxSenss ?
Le concept de la complémentarité entre praticiens fonctionne bien mais prend du temps à mettre en place. Pour l’accélérer, tous les deux mois, j’organise « un drink » entre les praticiens de MaxSenss et « des invités praticiens ».
Cette soirée est l’occasion de faire plus ample connaissance, de partager des informations et de rappeler le bienfait de s’échanger des séances entre praticiens pour bien se connaitre et pouvoir mieux se recommander. Donc en conclusion cela fonctionne bien mais pas assez rapidement à mon goût !
Les locaux sont bien entretenus par les praticiens ce qui est très agréable à gérer.
15. Quels conseils aurais-tu à donner à des thérapeutes / praticiens qui lancent leurs activités ?
Le premier conseil que je donnerais c’est de trouver un endroit pour accueillir ses clients. Cela parait logique, mais beaucoup de praticiens qui se lancent pensent qu’il faut d’abord des clients pour ensuite trouver un lieu. Ce lieu doit être mûrement réfléchi. Il est essentiel de se sentir bien et qu’il soit bien positionné.
Ensuite, il faut très rapidement mettre en place des actions pour se faire connaitre :
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Créer sa fiche Google My Business,
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Créer sa page professionnelle Facebook,
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Créer son compte Instagram,
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Créer un site même une one page mais avec un pro (pour le référencement et pour l’aspect professionnel de son image),
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Faire des cartes de visite,
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Bien choisir son statut juridique et rencontrer les bons interlocuteurs pour cela,
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Inscriptions à tous les répertoires gratuits en ligne,
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Faire le tour de tous les commerçants autour du cabinet,
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Participer à un maximum d’événements (petits-déjs pros, salons...),
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Organiser très régulièrement des ateliers pour faire connaitre sa pratique,
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Faire partie de réseaux professionnels,
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Publier sur YouTube des vidéos,
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Inscription sur un agenda du type Doctolib ou Pages Jaunes,
Il est essentiel que le praticien prenne conscience qu’il va lui falloir exercer plusieurs métiers en un. Qu’il faudra qu’il sorte de sa zone de confort et qu’il rencontre un maximum de personnes pour se faire connaitre. Qu’il investisse énormément de temps et d’argent pour développer son activité.
Et que tout ça prend du temps… C’est comme une course, il faut de la préparation pour être endurant !
16. Est-ce qu’il y un mantra ou citation qui t’aide et te rebooste au quotidien ?
Tout ce qui ne m’abat pas, me rend plus fort.
17. Pour finir, quels sont tes projets à venir ?
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Participer au salon du bien-être à Bussy le 29 juin,
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Organiser Les Portes Ouvertes le 14 juillet,
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Co-organiser le festival du bien-être avec le cinéma Le Cinq de Lagny du 20 au 22 septembre,
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Lancer l’inauguration de MaxSenss Lagny le 26 septembre,
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Finaliser la création d’un collectif indépendant de MaxSenss, fin 2019,
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Ouvrir un nouveau MaxSenss en 2020 en face de l’hôpital de Jossigny,
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D’ici 5 ans, créer une franchise MaxSenss sur toute la France.